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La Flandre et les Hauts-de-France veulent poursuivre leur coopération, mais doivent apprendre à mieux se connaître

Par Bart Noels, traduit par Jean-Philippe Riby
13 décembre 2021 7 min. temps de lecture

La Flandre et les Hauts-de-France veulent continuer de miser sur les échanges culturels dans les années qui viennent. Pour y parvenir, les acteurs de terrain doivent cependant apprendre à mieux se connaître. Trois projets doivent contribuer dès cette année et l’an prochain à créer un terreau favorable à de nouvelles entreprises de coopération. Le programme Interreg peut également offrir des perspectives à la culture. Voilà ce que nous a appris la discussion It’s a match, organisée le 23 novembre à Courtrai.

Comment poursuivre notre coopération culturelle transfrontalière? Telle était la question posée au panel de discussions It’s a match, un après-midi consacré à l’accord de coopération entre la Communauté flamande et la Région Hauts-de-France. L’organisation de ce débat pendant le festival NEXT n’est pas un hasard. Depuis plus de dix ans, ce festival des arts de la scène belgo-français joue un rôle moteur dans la coopération culturelle.

L’accord de coopération culturelle entre la Communauté flamande de Belgique et la Région Hauts-de-France a été signé en 2018 et a pris de l’importance depuis. Il a permis, entre autres, la naissance du Borderland Festival. Mais force est de constater, après plusieurs appels à projets, que les premiers projets s’avéraient encore trop formatés et que c’étaient surtout les vieux de la vieille qui y participaient. À l’évidence, les acteurs de terrain, des deux côtés de la frontière, ne se connaissent pas assez.

Coopérer exige de se connaître au préalable

Les prises de contacts ont donc reçu la priorité pour la période 2021-2023. Coopérer exige de se connaître mutuellement. Trois projets y contribueront prochainement. La Triennale de Bruges et le Frac de Dunkerque se retrouvent dans Kunst in de publieke ruimte (L’art dans l’espace public) Avec Op de tast (À tâtons) publiq, le spécialiste de la communication pour les activités publiques de loisirs, et 50° Nord s’emploient à développer les publics des arts figuratifs, tandis que It’s a match (NEXT) veut faire connaître de jeunes talents.

NEXT a pris immédiatement le taureau par les cornes et organisé dans le cadre de son festival une séance de rencontre en offrant à Kyoko Scholiers (BE), Luanda Casella – Collectif Buren (BE), Lisa Veertbrugghen (BE), Natham Ooms & Anna Francisca Jager (BE), Eric Arnal Burtschy (FR), Tatiana Julien (FR), Yuval Rozman (FR), Julien Fournet (FR), Noemie Rosenblatt (FR) et Zoé Demoustier (BE) la visibilité nécessaire.

Un panel de discussion a permis d’approfondir la question de la coopération culturelle transfrontalière. Des organisateurs issus de régions frontalières comparables avaient reçu une invitation.

«La coopération nous fait sortir du cadre de nos établissements, à intervenir hors les murs. Nous travaillons avec différents partenaires, différentes langues et différentes méthodes. Dès notre premier projet, nous nous connaissons et nous avons envie de continuer», déclare Sophie Puscian, du projet transfrontalier franco-espagnol Pyrenart, qui travaille dans une région montagneuse où il faut 5 heures pour se rendre de l’autre côté de la frontière. Rien de comparable, par conséquent, avec notre région, dans laquelle les villes de Courtrai, Lille et Tournai sont à peine à une demi-heure de voiture l’une de l’autre. La coopération dans les Pyrénées est encore jeune et surtout portée par des maisons de la culture qui ne reçoivent guère de subventions publiques. «C’est une force, mais aussi une faiblesse», précise Sophie Puscian.

Travailler au plus près s’avère payant

«Pour grandir et devenir solide, une bonne coopération entre les responsables politiques et les acteurs culturels est nécessaire», énonce Claude Ratzé, directeur du festival franco-suisse La Batie. Genève est une ville de Suisse romande, cernée par la France. Les partenaires culturels y travaillent ensemble depuis longtemps. Le défi consiste à travailler de manière encore plus étroite. Jusqu’ici, ce sont surtout les grandes institutions culturelles qui participent, mais les petites agglomérations sont moins présentes. La coopération doit y remédier.

Jan Jambon, ministre flamand de la Culture: «Je trouve frappant que ce soit justement le secteur culturel qui demande au politique de s’engager davantage»

«Je suis originaire du Pays mosan, et dans ma région, la coopération transfrontalière va de soi. J’imagine qu’ici aussi, dans cette région frontalière, cette interaction enrichissante est nécessaire. À l’évidence, quand on se lance dans des échanges internationaux, on le fait d’abord avec ses plus proches voisins», fait observer le ministre flamand de la Culture Jan Jambon. «Je trouve frappant que ce soit justement le secteur culturel qui demande au politique de s’engager davantage. Nous devons préserver des équilibres, mais il revient en effet au politique de poser les fondations de la coopération.»

Depuis longtemps, le festival NEXT réussit à travailler au plus près dans la cadre d’une coopération transfrontalière. Son arrivée à Valenciennes ne date pas d’hier. Chaque édition du festival mobilise une trentaine de scènes, dans la métropole et en périphérie. Mathilde Villeneuve (centre des arts BUDA) rappelle que le festival NEXT veut être international à plusieurs niveaux, et ne se contente pas d’inviter des artistes du monde entier, mais effectue aussi un travail de proximité, juste de l’autre côté de la frontière. «Les artistes ne se posent pas la question de la frontière. Il n’empêche que les frontières représentent une réalité concrète. La frontière intéresse les artistes de Palestine ou les gens de Londres qui, sans ce festival, ne pourraient venir jouer ici. Travailler au niveau local est tout aussi important et il ne faut pas perdre de vue le réseau local. Il faut commencer par constituer un réseau interne solide, puis travailler à partir de là.»

Stef Vandemeulebroucke, entrepreneur courtraisien: «Ce qui me surprend avec Interreg, c’est que des subventions ne soient pas prévues pour les artistes»

Stef Vandemeulebroucke, entrepreneur courtraisien, approuve cette stratégie et fait le parallèle avec la vie des affaires. «Une activité transfrontalière avec les régions voisines est un tremplin pour accéder à l’international. Cela vaut pour les entreprises du secteur économique comme du secteur culturel», explique-t-il. «Il y a là des opportunités à saisir que l’on ne trouvera ni à Bruxelles ni à Paris. Il en va de même pour le monde de la culture. Comme le démontre Coups de Vents, une association du Pas-de-Calais qui développe des projets pour la musique à vent et organise chaque année un concours, lequel remplit les salles parisiennes. Ou encore les opportunités offertes par la photographie des deux côtés de la frontière. Courtrai comme Lille en ont fait leur image de marque et savent coopérer dans ce domaine. On ne récolte que ce qu’on sème. Même les entreprises reçoivent des subventions pour investir dans l’innovation. Ce qui me surprend avec Interreg, c’est que des subventions ne soient pas prévues pour les artistes. Il ne faut pas seulement des subventions européennes, mais surtout une politique structurelle.»

Des subventions Interreg pour les artistes, non?

Aucune table ronde sur la coopération culturelle transfrontalière ne fait l’économie d’un débat sur la question de son financement, notamment pour la période de programmation nouvelle (2021-2027), dont le cadre précis sera connu cette année. Au printemps dernier, des acteurs du secteur culturel de l’Eurométropole ont déjà adressé une lettre ouverte aux responsables du programme en vue de rétablir le financement de la culture. Il faut rappeler que ce n’était pas le cas au cours de la période de programmation précédente et que nombre de projets sont ainsi tombés à l’eau. La lettre ouverte a suscité des commentaires encourageants soulignant que la «création» peut sans nul doute s’inscrire dans les projets Interreg. Les techniciens du programme ont néanmoins répondu que les prestations artistiques en tant que telles ne pouvaient être éligibles aux subventions, comme c’était d’ailleurs le cas au cours de la période précédente. Une telle réponse suscite bien entendu l’inquiétude parmi les acteurs culturels. La facture d’un artiste ou d’une compagnie ne peut-elle donc pas être une dépense éligible dans le cadre d’un projet Interreg?

«J’ai bien entendu que, pour ce qui est du financement Interreg, les artistes aussi doivent entrer en ligne de compte, et qu’il faut accompagner les dossiers dans le cadre du programme Europe créative», indique François Decoster, vice-président à la Culture de la Région Hauts-de-France. Concernant la coopération avec la Flandre également, ses propos sont ambitieux: «Le président de région Xavier Bertrand veut encore renforcer la coopération avec la Flandre. Cela est d’autant plus nécessaire depuis la crise du coronavirus. Je n’avais jamais imaginé une fermeture des frontières. Nous devons tout mettre en œuvre pour raccorder ces zones frontalières.»

Nous n’avons pas encore de nouvelles de l’appel à projets 2022 dans le cadre de la coopération culturelle entre la Communauté flamande et la Région Hauts-de-France. «Nous devons procéder auparavant à une évaluation des projets existants», indique Jan Jambon. «Nous avons vu pendant la crise du coronavirus qu’il existait de nombreuses aides en faveur de l’économie, mais aucune encore pour la culture. Nous avons modifié le dispositif des aides de l’Agence flamande pour l’Innovation et l’Entreprenariat (VLAIO) pour qu’il puisse servir également à la culture. Il devrait aussi déboucher sur des aides internationales.»

Bart-noels

Bart Noels

journaliste freelance et initiateur du projet francobelge.news

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